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Expérience d’autrui et érotisme chez Henry et Sartre


Abstract

Afin d’introduire notre propos, nous souhaiterons d’abord insister sur deux desavancées herméneutiques fondamentales qu’ont à nos yeux rendues possibles letravail mené depuis 2010 au Fonds Michel Henry de l’université de Louvain-la-Neuve. La première concerne la question de l’expérience d’autrui. Sur la foi destextes publiés en effet, la littérature secondaire avait pris l’habitude de considérerqu’elle n’avait été posée par Henry que tardivement—une première fois au débutdes années 1990, avec les deux articles que lui consacre Phénoménologiematérielle, prolongés par la rédaction immédiatement abandonné, en 1991, d’unlivre qu’il projetait d’intituler “Intersubjectivité pathétique;” une seconde fois lorsdu changement de paradigme qui allait le conduire à sa “philosophie duchristianisme,” et dans lequel il se trouve repensé dans un tout autre cadreconceptuel que celui de la phénoménologie historique. Or une premièreexploration des archives henryennes, dont nous avons eu le privilège de publier lesrésultats dans le deuxième numéro de la Revue Internationale Michel Henry,montre que le problème de l’expérience d’autrui hanta Henry tout du long de savie et, surtout, dès le début de son itinéraire philosophique—au point d’ailleurs,comme en témoigne son dossier CNRS, qu’il envisagea de lui consacrer sa thèsesecondaire jusqu’en 1950. La seconde avancée herméneutique permise par cetravail archivistique et qui nous retiendra ici concerne la place qu’occupe dans lapensée henryenne la figure de Sartre: si, dans Philosophie et phénoménologie ducorps et dans L’essence de la manifestation, il est loin de faire figured’interlocuteur privilégié, et si, sur la foi d’une déclaration lapidaire de MichelHenry lui-même avouant dans un entretien tardif le tenir pour un “auteursecondaire,” la littérature critique a eu tendance à en négliger l’importance dans la genèse de la “philosophie de la vie,” force est au contraire de constater l’omniprésence de Sartre dans l’immense chantier des notes préparatoires aux deux premières oeuvres henryennes. Et plus précisément, il est désormais établi que la thèse d’une “transcendance de l’ego”—du mien comme de celui d’autrui – circonscrit alors pour Henry la position philosophique fondamentale contre laquelle il cherche à exprimer ses propres intuitions fondatrices: non seulement celle, explicitement développée dans L’essence de la manifestation, d’un ego immanent seul capable, à ses yeux, de redonner un sens phénoménologique à l’idée d’intériorité, mais aussi celle, qui nous retiendra ici tout particulièrement, d’une expérience immanente de la subjectivité immanente de l’autre—expérience que Henry nomme alors, dans une formule qui restera un hapax, une “expérience métaphysique d’autrui.”